Les gens aiment à se laisser manipulés par ceux qui prétendent réaliser leurs rêves. Les gens n’ont aucun sens critique par rapport à ces rêves, les leurs, et ces rêves sont si naïfs – je veux dire que pour eux, il est si facile *pour un autre* de les réaliser – que n’importe qui doté d’un peu de bagou peut se dire « réalisateur de rêves ». Du fait que leurs rêves ne sont pas réalisables, les gens attendent d’autrui qu’il puisse les réaliser à leur place.
Car ces rêves sont des rêves d’enfants sans cesse revivifiés à l’âge adulte, et dénotent une frustration collective, comme générale de ces enfants-adultes. Tout le monde, en gros, anime les mêmes rêves, il ne s’agit que d’une hiérarchie et des accès à ces images que la société propose.
Ce genre de rêve est extrêmement commun, car il a pour mission essentielle de cacher cette réalité. Ce genre de rêves consiste à dissimuler la réalité qui fait peur. Quelle est cette « peur » qui permet à l’idiot de dominer le monde humain, qui désactive tout sens critique, qui obscurcit la conscience ? D’où provient cette habitude de justifier le bourreau en ceci qu’il a besoin d’une victime ?
Cette disposition – la peur est une défaite – dénonce une forme de refus de prendre en main la réalité, comme si la réalité nue – celle que vivent les autres animaux, sans la forme de notre rêve – perdait la source, en soi, du plaisir du vécu. Les rêves de cette sorte sont de ceux qui vous cache la réalité parce que vous avez oublier comment accepter du plaisir de la réalité, en vous faisant miroiter que le rêve est supérieur à la réalité.
Je suis parfaitement conscient que cette disposition d’esprit est le résultat d’un apprentissage acquis au cours de l’enfance face au peu de poids de la réalité quant au peu de possibilité de pouvoir jouir de cette réalité, de soi, de nous. Vous êtes votre propre réalité et on vous apprend à ne PLUS en obtenir de plaisir ! Vous vous tournez ensuite vers le rêve que vous avez du plaisir d’exister, tandis que cela reste une simple hypothèse : un rêve. Quand, dans une société « primitive » les caractères se forgent sur l’amitié, chez nous elle se bâtit sur la résignation.
C’est qu’ici règne une confusion : normalement, la vie qui passe dans la joie, est une forme de transe – comme quand on est amoureux – et la résignation confond cette transe du vécu avec le rêve de la vie. Du point de vue d’un transfert des fluides, au cours de l’enfance, le vécu contient la transe, car c’est la transe périodique qui permet de s’intégrer au monde en s’y adaptant au mieux. En fonction des *impossibles*, on pèse les possibles de cette transe, soit dans le cours de son mouvement – et conséquemment, par son côté éphémère – soit dans le transfert de son énergie dans le rêve. C’est au cours de la puberté que la transe habituellement vécue de la vie se fige (ou coagule) sur le rêve et le rêve devient le rêve d’un vécu en transe, et non plus la transe (comme quand on est amoureux) elle-même.
Pour perdurer sous cette forme, le rêve a besoin de se retrouver dans l’objet, le fétiche. Et l’ensemble de la vie devient un monde de fétiche, où chaque objet n’est plus seulement un simple « objet », mais est investi d’une âme, il contient en soi un rêve. La prime-enfance se passe dans la transe et les frustrations ne sont que des frustrations de rêves, à cette différence qu’ici les rêves sont LE vécu (le doudou et la transformation du sein allaitant en objet). Chez l’adulte encore enfantin, la réalité virtuelle est un prolongement de cette tentative de solutionner une frustration en rêve. Nous le savons bien... et pourtant nous persistons dans cette direction de la séparation du vécu réel vers le rêve, car ici, le rêve est une transe qui vous fait oublier la pauvreté de votre réalité.
Le monde qui falsifie la transe vécue en transe d’objet (de fétiche) est le monde de la marchandise et sa publicité donne la mesure de la frustration du rêve enfantin à l’âge adulte. La grande majorité des comportement humains adultes sont décelable dans une frustration enfantine quasi traumatique coagulée dans l’âge adulte. A eu lieu un transfert énergétique entre la capacité de vivre la transe par soi, en besoin de vivre la transe par l’objet : l’objet devient nécessaire, et dans notre monde. C’est une aubaine pour la marchandise, car la marchandise a besoin du rêve pour trouver sa réalité (voir mes études sur la valeur organique et minérale).
Je peux ainsi répondre à la question : Pourquoi les gens ne se révoltent-ils pas contre le monde de la marchandise ? Parce que la marchandise est indispensable à la piètre qualité de leur transe, que l’objet est l’outil de cette transe... et non plus son Soi intégré à un groupe. Les bals folks et les bars.
La « décision » de reporter le vécu de la transe en soi sur l’objet est l’aboutissement d’une quantité de compromis, d’adaptations infructueuses. Elle s’est opérée comme conclusion lors d’un fait traumatique – que je nomme « second », car il est la confirmation d’un *premier* trauma resté sans solution qui vous soit favorable : vous avez définitivement – pour vous – perdu cette qualité de vivre la vie dans la joie et sa transe. Alors, l’énergie de la transe *s’est reportée* sur un objet, un comportement, une validation biologique intégrée. Vous avez cependant tord, car cette *nature* de la vie qu’est la transe, est indéfectiblement une réalité cachée par ce transfert d’énergie sur l’objet : c’est un détournement d’attention salvateur pour qui en a peur, pour qui craint le déroulé de la vie. Mais ce transfert de la transe sur l’objet contient encore le trauma qui l’a induit, je veux dire que ce transfert contient encore la *peur* de la transe initiale, puisqu’elle a fuit dans l’objet.
Je souligne que cette transe initiale est de l’ordre du biologique : sa manifestation la plus aiguë étant l’orgasme, c’est-à-dire, conjointement les convulsions musculaires cloniques et la perte de la conscience au cours du partage amoureux sexué. La nostalgie de cette transe se retrouve dans les faits religieux, les aficionados de tout genre, le fait de « gagner » avec cette crispation si typique et ce cri de démence, dans cette musique industrialisée et séparée du vécu par des dispositifs mécano-électroniques, dans la danse collective égarée dans l’individuel, etc. Cette nostalgie se retrouve dans la recherche de sa réalisation, dans des « techniques » thérapeutiques qui aideraient bien mieux par une connaissance de leur finalité : retrouver la capacité d’entrer en transe, et particulièrement, la transe amoureuse. Je ne dis pas que tout cela est négatif, bien sûr ! quand ces tentatives explicitent le grand intérêt d’un retour du contact avec soi-même, elles finissent par aboutir à ce contact. Connaître la nature de ce contact accélèrerait le processus, selon moi.
Le trauma initial, le tout premier, est une *résignation* devant ce fait qu’on ne peut pas atteindre le bonheur par et dans la succession habituelle d’événements qui mènent sans crainte à une transe : il a fallu emprunter un autre chemin où elle doit se renier comme sa propre possibilité. Ce chemin investit l’objet d’une âme... et c’est votre âme. Cette première résignation reste quelque part tremblante face à la force de la nature, mais se coagule lors d’un second trauma, d’un type plus ou moins semblable d’atteinte à votre intégrité. La *résignation* est figée, le reste devient interdit, absolument ; on oublie même de quoi il s’agit, au départ. Je pense que quand Kate Buch chante « Don’t give up », nous parlons de la même chose. La résignation, c’est l’acceptation contrainte du transfert de la transe du vécu immédiat dans l’objet.
La publicité est un exemple du transfert du désir d’un vécu dans l’objet, du transfert de l’organique dans le minéral. La publicité promeut le « produit *miracle* », l’objet comme un sauveur quand un sauveur n’est qu’une *image*, une seule aspiration au bonheur. Elle répond à ce désir du résigné de se libérer de sa condition de résigné. Elle insère une l’âme à l’objet pour que vous retrouviez en *image* votre liberté. La publicité réussit quand on devient son propre policier, et en conséquence, le policier d’autrui : vous ne devez (car vous en avez égaré le déroulé) trouver de « plaisir » que par et dans l’objet et sa possession. La police de l’objet maintient en bon ordre la résignation, la perte de confiance en l’autre en tant qu’organique, c’est-à-dire en soi.
La publicité reflète l’âme égarée dans l’objet qu’on vous désigne comme sauveur de votre résignation, puisque vous avez perdu la capacité de discriminer le *déroulé* du plaisir : l’objet fige ce déroulé. Avec un peu (suivant vos ambitions) d’argent (que vous avez « acquis » en marchandant votre temps, votre vécu), vous vous engouffrer dans ce *raccourci* du vivant. La publicité est l’exact *état d’esprit* du monde de la marchandise, sa manière de penser le monde, vous. La publicité inverse le monde réel en oubliant toutes les causes pour en faire des causes « nouvelles » dont l’objet est de vous faire oublier la réalité du monde et les effets destructeurs que votre contribution à la marchandise a sur le monde.
Du fait que la résignation est déjà une « petite mort » dont on sent bien en soi la présence, rien n’est plus aisé pour la publicité de retourner cette sensation de soi en agression extérieure. En reportant la vie sur un objet, la publicité rend alors cette « petite mort » plus facile à supporter. Ici nous aurons un vaccin, une automobile, un voile, un voyage dans l’espace, un mariage, que ne sais-je, mais tout sera raté, car le vécu manquera de vivant : il n’en restera que des images sensées contenir vos émotions. La religion de la Soumission et ses tentatives d’émergence plus ou moins violentes, est l’avatar d’aubaine pour la marchandise.
Lorsqu’apparaît le désir d’une révolte contre cette résignation, on est perdu, car on a appris à ne PLUS retrouver en soi le déroulé d’un vécu, à rencontrer dans sa fluidité l’émotion du vécu – les objets sont si nombreux, n’est-il pas ? – de sorte qu’on ne sait plus où la chercher, biologiquement : avoir oublié la vie est si douloureux qu’on pense devoir à nouveau traverser cette douleur pour acquérir un peu de liberté, que cela en est rédhibitoire.
Au reste, cette résignation anesthésie les sens de la vie, la perception qu’on peut avoir du monde. Plus les sens de la vie sont isolés d’une auto-perception et plus la résignation cherche à se « venger » de cette asthénie par la transe de la *chéfitude* ou bien celle de *l’appât du gain*.
On cherche à prendre le pouvoir sur autrui, quelqu’en soient les moyens (et le plus courant est tout simplement l’argent), soit pour lui montrer comment on peut progresser dans la résignation, soit pour empêcher toute velléité de se défaire de la résignation. L’appât du gain (être riche rassure, bien qu’on ait un piètre sommeil) est une forme de prise de pouvoir sur autrui, puisque la transe consiste ici à posséder le plus de transe *minéralisée* possible. Chacune de ces deux « vengeances » tardives face à ce qui a été perdu et qu’on a complètement égaré, est une manifestation cristallisée de la perte de l’empathie, des sens de la participation, du bon-soin et de la collaboration. Les sens ne perçoivent plus la dégradation du monde quand l’appât du gain s’auto-hypnotise et ordonne telle ou telle nouvelle pollution, ou quand les engins de guerre détruisent la santé de la planète, à travers des essais nucléaires, par exemple, ou la sophistication des armes, ou encore quand des policiers mutilent le peuple. Et comment montrer à ces in-sensés le résultat de leur action réciproque ? C’est impossible ! Dans ces cas, nul n’entend le bruit ou les cris qu’il génère, nul n’entend le bruit de la marchandise en mouvement autonome qui détruit et pollue tout sur son passage, car nul n’a plus les sens pour ce faire ! « Leur morale » même n’arrête rien. La digitalisation des relations entre les gens (leur « numérisation », comme la naissance de l’écriture est né du désir *comptable* – donner un nombre à – du roi) est l’aboutissement socialisé de cette résignation.
De fait, rien n’est plus délétère que la résignation qui refuse de s’accepter. Il règne plus de résignation chez ces politiques qui veulent sans fin réformer le monde qu’ils créent (toi ou antérieurement ton aîné), chez nos gouvernants (qu’on vous donne à choisir selon leur degré respectable de résignation), que chez les gens chez qui cette résignation est une gêne : ces derniers gardent encore un sens de la liberté (le plaisir de vivre) quand les premiers l’on totalement perdue, sinon qu’en babioles, en baudruches, en billevesées. Les gouvernants gouvernent la résignation matérialisée (minéralisée) dans *l’économie de la vie résignée* : travail, marchandise, bourse, etc. Il s’agit pour eux de surnager au-dessus de cette masse de résignés qui regimbent face à elle, quand eux y sont enchaînés leur âme. Quelle est la nature de cette « peur » qui émerge devant les « petits chefs » incompréhensibles et souvent idiots ? Quelle est la nature de cette peur quand ils invoquent la mort ? et qui la fourbissent, cette mort, dans les mutilations du vivant... ? Imposer à la parturiente de s’exhiber en pleine lumière quand elle donne naissance, et tout dernièrement à lui faire porter un masque contre un « virus »... la bureaucratie en action.
La bureaucratie (dont fait parti la politique) est l’absolue optimisation de cette résignation. Elle est l’avers et l’envers de la résignation en ce sens où elle vous oblige à vous y soumettre – pour vous y résigner – et son mode opératoire est le fruit même de la résignation. C’est une organisation de la vie humaine totalement désolidarisée de l’entre-aide et écartée de l’empathie comme de regarder une galaxie par le petit bout de la lorgniette. La digitalisation se montre encore plus aberrante : nous ne parlons plus qu’à des machines obtuses, « binaires », sans âme, programmées par des bureaucrates. Et le monde se reproduit selon ce schéma : quand on exprime une souffrance et que celle-ci ne rentre pas dans une case, nul ne vous entend plus, même de celui ou celle qui la génère, car la bureaucratie se justifie elle-même comme absence totale d’une émotion vécue.
Ainsi, des rêves d’enfants à l’âge adulte peuvent-ils se voir, *de loin*, concrétisés dans et par des rêves de même nature : il suffit de faire miroiter l’image d’un objet salvateur, un objet qui va vous soustraire un temps de votre résignation, de votre « petite mort ». On ne se révolte pas contre une image, une image s’abandonne, tout simplement ! Et on l’abandonne quand quelque chose de plus palpitant et de plus immédiat se présente à vous. La résignation porte à espérer qu’on puisse être sauvé de cet état de léthargie qui vous maintient immobile, et le plus grand rêve est celui de l’image du sauveur qui va vous dynamiser, enfin. Ce transfert de l’énergie du vivant sur l’objet ne s’opère que dans la résignation où les avanies sont devenues des coups du sort.
Il y a une solution. Cette solution est valable pour tous car, du mal du siècle, tous en ont été touchés. Mais je ne peux la décrire, car chacun doit la trouver en soi, chacun doit retrouver en soi la source de la confiance en soi comme la source du plaisir de vivre : l’énoncer ne permettrait pas à la personne de se comprendre et donc de comprendre l’opportunité de la solution que je propose. Les « aidants » doivent eux-mêmes reconnaître le centre du problème et cesser de tourner autour, non pas pour l’assaillir (ce qui ne ferait que renforcer la peur que ce centre suscite) mais pour le mieux décrire, immédiatement, sans crainte, car, finalement, c’est le cheminement du plaisir qui fait peur, et rien d’autre, sinon que son aboutissement. Si l’aidant est lui-même doté de faux-fuyants, il ne fera que contourner pour lui comme pour l’aidé (qui y trouvera une aubaine !) le *cheminement* vers l’épuisement énergétique de la résignation inscrite dans la biologie de la personne par une dynamisation de celle qui a été détournée.
La capacité à soutenir une tension *avant* la survenue de l'angoisse est corrélative à celle que l'on a de pouvoir jouir de la vie ; dans une autre société, plus orientée vers la santé du plaisir, j'aurais usé d'une formule inverse.
mardi 29 juin 2021
Transfert et minéralisation de la transe
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