Quelques
mots sur le terreau du raciste, du sexiste et de l'esclavagisme
Il
n'est pas aisé de donner du racisme une définition qui fasse
l'unanimité. D’une manière toute terre-à-terre, on pourrait
dessiner le racisme comme un procédé intellectuel qui consiste en
une discrimination basée sur des critères humains morphologiques.
Ce procédé vise à discréditer autrui, ou à le critiquer en vue
de le diminuer, en vue de justifier des malversations à son égard,
de lui porter des coups, de l’insulter, etc. et ceci à partir de
ce dont on ne peux
rien. « Ce dont on ne peux rien » correspond
au fait qu'une personne possède telle ou telle couleur de peau ou
d'yeux, tel ou tel nez, telle ou telle langue maternelle, tel ou tel
sexe, telles ou telles lèvres, sur le fait que cette personne est
née à tel ou tel endroit, etc. De tout cela, personne n'est en rien
responsable puisqu'elle est née ainsi.
Le
racisme, c’est, entre autre, critiquer une existence sur le fait
qu'une personne existe selon sa forme en vue de réduire sa capacité
humaine selon des critères réduisant ce qu'elle est, et à lui
imposer à être autre personne que ce qu'elle est, à vouloir
qu'elle se reconnaisse négativement dans sa conformation. C'est ce
qu'on voit du racisme, de l'extérieur.
C’est
en cela que le racisme rejoint le sexisme qui considère la femme
selon des critères immédiatement liés à son sexe et aux
spécificités de son sexe, celles-ci étant considérées comme des
tares ou des désavantages, surtout ce qui concerne le sang œstral,
etc.
On
confond le racisme et le sexisme avec le fait de critiquer un mode
de pensée, une idée, une politique, une doctrine, etc., qui ne
sont que des opinions, c'est-à-dire, des choix intellectuels
qu'une personne a adoptés et qui forment cette opinion dont elle est
immédiatement et directement responsable. Chacun de nous est
responsable de ses opinions, de ce qu'il pense. Et à cause de cela,
les opinions sont légitimement sujettes à la critique et il est
favorable à leur évolution qu'elles soient critiquées.
Un
ensemble d'opinions similaires s'apparente à une doctrine. Toute
doctrine est sujette à la critique, mais non pas la
couleur d'une peau ni un sexe, etc. Ainsi,
lorsqu'on confond racisme et critique d’opinions, on cherche à
fermer la bouche à ceux qui dénoncent la nocivité humaine d'une
attitude raciste, des préjugés racistes, etc. Quand le racisme
consiste à me critiquer sur le fait que j'existe, la critique des
opinons s'établit sur des idées.
C'est
en ceci que le racisme n'est pas seulement un mode intellectuel
de penser, mais aussi une manière affective de se comporter
vis-à-vis d'autrui, qui s'appuie sur ce mode de penser.
À
ceci s'ajoute un racisme plus spécifique où n’entre pas en ligne
de compte la seule forme de mon existence, mais une idée que se fait
le raciste de la sienne propre. Il se sent supérieur, sur des
détails ou des généralités, à moi, de sorte qu’il puisse
prendre sur moi un pouvoir et la violence est indispensable à
l'établissement de cette hiérarchie dont le raciste ou le sexiste
s'octroie le sommet. On comprend alors qu’il y ait un racisme blanc
anti-blanc ou un racisme noir anti-noir, par souci de hiérarchiser
les êtres selon leur conformation de naissance, à partir de quoi le
raciste se prévaut cette « supériorité ».
C’est
dire que le racisme est un ensemble d'idées dénigrant des personnes
en les répertoriant selon une hiérarchisation,
dont il s'attribue le
sommet. Cette
hiérarchisation est
assise sur l'apparence ou la sensation qu'il se fait
d'autrui. Le racisme est une doctrine auto-réflexive, une
tautologie : c'est selon ses propres critères qu'il établit
ses propres critères. Car rien ne peut, surtout
à la loupe grossissante
de l'intelligence de
l'honnêteté,
distinguer physiologiquement, deux personnes : nous sommes tous
constitués de manière identique : des mêmes formes, du même
nombre d'organes, d'os et de muscles,
etc. Seule la forme
diffère par des détails liés à l'adaptation de l'organisme à son
milieu d'existence. Quand au sexe, c'est bienheureusement une faculté
de rencontre.
De
sorte que, dans son esprit, un sexe, une couleur, une forme, etc.
resurgira chez autrui comme une dégradation. Cette dégradation
s’établira sur une idée que le raciste se fait de ce qui est
« pur » ou « parfait » et donc...de ce qui
est « impur » ou « imparfait ». Il justifie
de la sorte les coups qu’il assène ou assènera à cet « impur »,
s'érigeant ici juge et bourreau.
Cette
sélectivité dans l'identification ne lui permet pas d'asseoir de
manière solide sa pensée d’autrui, aussi l'empathie du raciste
s'avère-t-elle faible et
il éprouve le besoin impératif de retrouver dans une bande, le
reflet de sa faiblesse pour que cette réunion la
transforme celle-ci en force. Que l’humain soit physiquement un
être assez faible et qu’il se réunisse en société est normal et
évident : c’est un être grégaire. Mais qu’il se sépare
d’autrui en s’agglomérant pour chercher à nuire à autrui,
c’est pathogène. On voit donc des réunions d’hommes contre les
femmes, des réunions de femmes
contre les hommes, des noirs contre des blancs, des blancs contre des
noirs, et j’en passe.
On
ne peut séparer ce dénigrement d’autrui sans y évoquer une
raison de l’esclavage : il est nécessaire d’être raciste pour
être esclavagiste. C’est cette notion de « pur » et
d’«impur » qui permet à l’esclavagiste d’affirmer que
l’impur doit être puni de son sort (du fait d’être né selon
les discriminations sélectionnées par le raciste) et réduit à la
pire des activités humaines : au travail forcené.
Le raciste ou l’esclavagiste (et la toute première et véritable
esclave du monde a été la femme, que certains ont appelée
Ève) crée lui-même les caractéristiques du pur et de l’impur
pour réduire autrui à cet esclavage, caractéristiques qui lui
permettent de justifier le sort qu’il impose à autrui, « son »
esclave.
Toutes
ces observations rendent malaisée une définition du racisme en soi,
car sa caractérisation englobe une multitude de « petits »
comportements qui jalonnent la vie quotidienne de nos sociétés et
qu’il n’est pas évident de supprimer. A-t-on songé à une
éducation de l’enfance respectant réellement l’enfance et son
aptitude à la collaboration, sans que réside dans ses modalités
une trace d’esclavagisme, de sexisme ou de racisme ? Constate-t-on
une égalité sociale réelle entre les deux sexes ? ... ? À quoi
est réduite la riche activité humaine lorsque huit personnes sur la
planète détiennent autant de richesse que la moitié la plus pauvre
de la population mondiale ? On voit que le concept de
« racisme » est complexe et qu’il englobe, dans une
description souvent partielle et partiale, une régulation plus ou
moins prégnante de la vie sociale présente.
Cette
perception du « pur » implique inévitablement celle du
mélange. Et le racisme est précisément l'abrupte, brutale
et acerbe théorie du non-mélange. Que ce soit en banlieue
parisienne ou au Soudan, le traitement adopté à ce problème du
mélange (qui va jusqu’à « purifier » la femme de son
sexe) est toujours le même : autrui est impur et il est
interdit de s’y mélanger sinon que de manière conditionnelle
(infériorisation, dénigrement de l'égalité, injures et coups).
Le
racisme est sans aucun doute la théorie de l’abjection la plus
poussée d’autrui : pour cela, il lui faut discriminer et
distinguer des particularités qui se révèlent dérisoires. On
connaît les malversations hitléristes. Si ces aberrations
affectivo-intellectuelles n’avaient pas été un exutoire à la
misère que vivait la population de l’époque, ce piteux
personnage n’aurait jamais poussé aussi loin l’abjection, en
considérant comme « impurs » les Tziganes, les
homosexuels, les communistes, les Juifs, en réduisant la femme à un
organe reproducteur d’une « race pure » accouplé à
des « sur-hommes ».
On
comprend facilement que cette idéologie de la « pureté de la
race » (dont tous les racismes se prévalent, qu’ils se
cachent ou non derrière une religion) ramène à une perception de
cette « pureté » selon leurs propres critères – une
auto-perception de l’impureté – et depuis Freud, on sait que
cette notion est le sentiment (hélas) profond d’avoir péché en
recherchant une auto-satisfaction sexuelle, dont la crainte a
entraîné une culpabilité. Le raciste voit alors chez autrui cette
libre capacité même de satisfaction qu'il jalouse et qu’il veut
interdire : la liberté de vivre. Critiquer le Noir parce
qu’il est noir, le Blanc parce qu’il est blanc, la femme parce
qu’elle est femme, c’est leur ôter toute liberté de vivre selon
leur goût. Le racisme abhorre la collaboration, le sexiste la
participation, l’esclavagiste le partage. Le raciste a besoin d'un
pharmakos pour se libérer de ses péchés, de cette tension
maladive issue de sa culpabilité.
Pensée
de misère, le racisme, le
sexisme ou l’esclavagisme est une misère
affective et sociale, une affectivité de misère issue d'une
éducation qui mène à la misère
sociale. Car loin d’avoir appris à exprimer la tendresse
correspondant à l’attraction qu’il a éprouvée un jour pour
autrui, il s’est vu obligé, comme système de protection, d’opter
pour l’agressivité et la mesquinerie et trouve alors dans ce
couple infernal la « raison » de la maltraitance qu'il
afflige à autrui. Cette misère se perçoit dans le racisme dans ses
critères esthétiques négativants avec lesquels il vous
réduit à moins que lui ; dans le sexisme, où cette peur de la
perte de soi dans la tendresse mène finalement à une forme
d’impuissance amoureuse tout en visant à vous réduire à cet état
d'impuissance ; et enfin l'esclavagisme vise, par l'invention et
l'usage de préceptes économiques, à vous réduire à un état de
misère, et à vous le faire accepter. Dans aucun de ces trois cas,
n'existe l’équité qui est abolie par la violence, l’abrutissement
que provoque cette violence et le rejet de toute révolte
à son encontre. Par essence, la société patriarcale est
raciste et elle organise des sessions exutoires (dont elle détient
les rigides et policées modalités de transe – foot, télé,
olympisme, etc.) où peut se déployer ce rétrécissement du sens
critique de soi et principalement, dans le spectacle moderne
où « tout ce qui était directement vécu, c'est éloigné
dans une représentation ».
Au
surplus, le raciste, le sexiste ou l’esclavagiste, attribue à
autrui ses propres malheurs. C’est à cause d’autrui qu’il est
malheureux dans la vie, pas à cause de lui-même, de son attitude de
dédain, de reniement, de rejet d’autrui ou de la vie qui bouge en
général. Du fait qu’il vit en groupe, il voit dans l’œil de
son camarade le même désarroi, et ce regard réciproque change tout
en haine envers ce qui n’est pas eux. Pour être admis dans ces
clans, il faut être semblable à eux qui sont si malheureux,
affectivement, sexuellement, et même socialement. Répondre aux
relations qu’ils entretiennent ensemble n'est pas plus satisfaisant
que la médiocrité de cette relation assise sur la haine d’autrui.
Vivre dans la haine de l'autre est impossible à qui n’a pas
intégré cette forme de misère.
De
fait, il est coutumier que le raciste, le sexiste ou l’esclavagiste,
vitupère contre mes aspirations, que je voudrais protectrices pour
les personnes qui subissent leur vilenie. Malgré leur nuisance, ils
utilisent la liberté pour affirmer qu’ils ont le droit
d’être ce qu’ils sont. Des pays ont même intégré dans leur
Constitution la ségrégation religieuse : il y a les « purs »,
nous, et les « impurs, eux. Et cela leur donne un « droit »
d’agir avec violence sur les « impurs », quitte à
grignoter années après années leur espace vital. Ils justifient
leur agissement sur le prétexte d'un écrit qu'ils considèrent
comme « sacré » pour eux, en lui donnant une importance
au-dessus de tout et de la vie d'autrui.
Ainsi,
le raciste, le sexiste ou l’esclavagiste, ne manque pas de
ratiocination : des critères spécieux, le reniement des
spécificités sexuelles, des droits électifs, sinon que ceux que,
eux, ont instaurés et qu'ils imposent à coups de coups, en
instillant la peur, la violence, l’abrutissement du sens critique.
Tout cela, selon leurs propres critères, leurs propres
discriminations, leurs propres arguties, leur propre méchanceté
qu'il impose à tous.
Dès
lors, quand on se pose la question de sa suppression, il semblerait
qu’on se retrouve face à son mur : comment le miner ? Par
l’éducation. La raison n’a pas prise sur le raciste : non pas
qu’il ne l’entende pas, mais il ne la comprend pas. Ces gens sont
incapables, au degré de son auto-protection particulièrement
rigide, de comprendre ou de se rendre compte qu'ils sont racistes,
sexistes ou esclavagistes : comme la vague sur le rocher lisse, le
raisonnement glisse. Il faut donc s’occuper de ceux qui ne sont pas
encore devenus racistes, sexistes ou esclavagistes, pour les protéger
de leurs méfaits, de sorte que la loi du nombre finalement prévale.
Pour cela, il faut, dès le plus jeune âge, le mélange des enfants.
Si
elle contenait un espoir, ma modeste participation aura été, je le
souhaite, de dresser quelques-unes de leurs modalités, de persuader
ceux qui le deviennent de ne pas aller plus loin, et ceux qui sont
loin de le devenir, de poursuivre leur si charmant chemin !
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