Tu te dis intéressée par mes recherches (que j’arrête d’ailleurs, car elles me dissocient douloureusement de la société : je me retrouve seul, de manière angoissante, car pour y vivre, il faut avoir une sexualité relativement – selon chacun – débile, sinon elle est invivable, mortellement invivable). Ainsi, je comprends que tu puisses penser que je puise outrepasser une simple relation, disons... d’attraction intellectuelle.
Toute mon activité sociale (mon « travail ») a tourné autour de la question de la satisfaction sexuelle, c’est-à-dire aujourd’hui, à l’insatisfaction sexuelle. La satisfaction est un phénomène *social*, où y aboutit l’affectivité particulière. Ce monde est tel qu’il se présente à nos yeux (avec ses pollutions diverses et variées, sa misère affective, sexuelle et intellectuel, et ses pauvres) car il fuit comme la peste la satisfaction sexuelle. Il ne peut faire autrement ! Il en ignore la matière, la manière et craint à l’extrême d’y aborder, car alors il et elle subiraient une telle déstructuration caractérielle qu’il et elle en mourraient. Dans la société patriarcale, les femmes craignent leur désir, car il est *social*.
L’orgasme selon Wilhelm Reich est impossible dans notre société patriarcale, dans cette société capitaliste qui cache derrière son petit doigt le patriarcat *en mouvement*. Rien que d’affirmer cela m’extrait de toute socialité possible ! Quand les gens partagent un orgasme, il s’agit d’environ 4 % de la population, à peine, ils le dissimulent, alors qu’il s’agit là de socialité. Chez les peuples qui ne craignent pas l’orgasme (généralement les société à filiation matrilinéaire dont il reste si peu, « détruite par l’agressivité du patriarcat » – Michel Odent), on parle, on discute, on évalue, on pèse l’amour incarné. On ne sépare pas le « corps » en « esprit » et « chair », car le plaisir est incarné et source d’une grande satisfaction à vivre, où l’esprit est le support des mots. Ici, aujourd’hui, on évoque de loin ce qu’on n’atteint pas avec un demi-sourire et une demi-grimace. On a peur !
Mais, comme dit Karl Marx, une activité n’est sociale que lorsqu’elle elle est *partagée* (lui, il dit « échangée », mais c’est une autre époque). Or, je suis seul : personne ne veut partager ce sujet avec moi, personne. Même le milieu « reichien » ne comprend pas ma ténacité à vouloir dissoudre ce satané (je pose le mot) patriarcat, source de tant de malheur, d’insatisfaction, de bêtise, de maltraitance, de pollutions... ne serait-ce que par une théorie !
Du dernier texte « Aphrodisie » que j’ai écrit (il y en a eu un autre depuis : « Du rôle du travail dans la transformation de l’humain en homoncule »), personne n’a saisi l’aspect révolutionnaire, je veux dire *déculpabilisant* vis-à-vis de nos propres sensations de plaisir, inhibées par la morale du patriarcat. Ou bien si cela a été véritablement perçu, persiste une telle honte à évoquer le sujet, qu’on n’y investira aucun « partage », ni de suite. Alors que mon but est de précisément fondre cette honte. Guy Debord affirme : On se bat pour une cause perdue d’avance. Aujourd’hui, il y a un grand refus de l’usage de la sexuation, c’est-à-dire, de la rencontre, du phénomène social de la rencontre par celle du mélange des sexes : « J’ai envie de me confondre en toi » ou bien « Je veux me pénétrer de toi » (qui est l’absolu de l’inter-sexe), n’ont plus de formulation possible.
On nage dans le patriarcat et sortir la tête de l’eau donne la sensation de mourir. Chacun a sa petite marotte contre lui : qui la bouffe ingrate qu’il vous donne à manger ; qui l’air pourri qu’il donne à respirer à nos enfants ; qui l’exploitation de « l’homme par l’homme » ; qui la maladie du profit, etc. mais personne ne veut se pencher sur l’origine de cette faiblesse : *la peur de l’orgasme qui vous demande impérativement la présence d’un chef pour vous rassurer de ne l’atteindre pas*. On critiquera même le chef, mais on sera encore plus vicieux que lui pour soudoyer votre bonne santé quand vous critiquez la nature de son amour.
C’est un cercle vicieux : comme vous avez peur du plaisir sexué naturel, vous avez besoin d’un chef pour vous en protéger ; et tant que vous aurez envie d’être sous la protection d’un chef, vous ne serez jamais suffisamment *mature* pour atteindre ce dont vous languissez en le regardant de loin. Tout cela je l’ai décortiqué, et ça n’intéresse personne. CQFD !
Et oui, mais... je suis seul, complètement désocialisé. Et point de retour en arrière possible, à moins de drogues dures (médicaments) ou de lobotomie. Mais je ne suis pas seul dans cette situation : d’après les statistiques nationales, nous sommes près de six millions dans cet état, certes pas pour les mêmes raisons que les miennes, mais...
Puisque chacun y trouve avec l’incarnation du plaisir son chemin, il n’y a *aucun* ostracisme dans une société à filiation matrilinéaire. Les seuls suicides relèvent de l’amour entre frère et sœur et ils se meurent tous les deux, ensemble, main dans la main. Immense altération de la haute capacité grégaire de l’être humain, l’ostracisme relève donc de la société patriarcale. Pour le patriarcat, la sexualité est le mal, alors qu’elle est le facteur essentiellement positif à la vie en troupeau ! Non pas du lupanar, mais de la capacité à se donner à autrui en toute liberté incarnée, partagée et complice.
Tout cela du fait que je me demande pourquoi tu recules sans cesse un éventuel rendez-vous. Aurais-je des questions à te poser en tant que femme ? Avec le temps, j’atteints souvent des réponses à mes questions et le temps encore confirme ou infirme la validité de mes réponses. Il y a que ces questions sont autant de facteurs de socialité ! Mes réponses, en fait, arriveront, mais quid quand je reste seul ? J’en fait des cauchemars de la solitude. La différence est que les réponses discutées utilisent des mots communs, tandis que mes réponses n’ont que l’imperfection de mes mots.
Encore qu’il y a l’abrupte réalité : si mon « travail » n’intéresse personne, c’est parce qu’il ne peut être accueilli de ceux que cela devrait intéresser, et de ceux qui n’en ont pas besoin, ma formulation est boiteuse... il doit contenir quelque vice caché avec lequel ils ne veulent rien avoir affaire. Seul !
C’est terrifiant la solitude. À tel point qu’on affirmera que je ne cherche son antidote, la complicité, qu’à cause de ma solitude... pour me faire atteindre le même résultat : seul. On ira à dire que je colle les filles par compensation de cette solitude. Ce monde est à pleurer. La solitude est une *maladie sociale*, ce n’est pas une maladie personnelle. La solitude dénonce l’incapacité de la société à se mouvoir dans ses mouvances, à accepter l’altérité qui ne se manifeste que parce qu’elle ne permet pas de s’épanouir en son sein et parce qu’elle ne donne pas de satisfaction sinon que déplorable, mesquine et délictueuse.
La solitude c’est terrifiant. On sait que l’intensité du trauma est en grande partie relatif à la longueur du *moment de solitude* qui suit ce traumatisme. Imaginons une solitude qui dure des jours et des jours, des mois, seul, sans altérité, sans la complicité du partage ou le partage d’une complicité !
Mais quoi ? J’ai une aura qui pose bien des problèmes : elle attire et révulse à la fois. Certains regards me font dire que je pue le mâle, mais pas celui gentil, avenant, mais celui qui perce. Des personnes hésitent même à me toucher, tant la charge que je contiens leur est peu tolérable. Je leur fais pensé à la sexualité brutale qui n’existe que dans leur tête, puisque pour pratiquer une telle sexualité il faut être psychotique. Suis-je ou ne suis-je pas psychotique ? Non, ce sont les temps qui veulent cela. Je me suis orienté vers la satisfaction, je l’aborde, j’en déborde, et les gens y voient leur noyade. J’ai vu deux fois des jeunes filles faire un écart sur le trottoir, alors que je les croisais ! Quelle souffrance ne doivent-elles pas vivre pour se comporter ainsi...
C’est que les gens ne peuvent pas ou plus avoir (et n’ont-ils jamais pu, à moins d’une étourderie ou d’une confiance immodérée de ma part) sur cette manifestation de la vie, un *pouvoir* qui les en protège, c’est-à-dire qui les protègent de ce qu’ils évitent, cette satisfaction, car ils ne sont plus à même, rigidifiés par la morale du patriarcat, d’y accéder et cherchent alors à prendre sur moi ce pouvoir qui va les rassurer. Oui, on peut penser que c’est une affabulation de ma part, mais c’est aussi le résultat de ma vie. Et on use pour prendre le pouvoir sur cette vitalité, des pires insanités. Les prises de pouvoir sur la vie saine ou qui le parait, sont intraitables, iniques et violentes, et tout cela pour l’a détruire ou en amoindrir la force. Le « sujet » de la sexualité est aussi brûlant que l’enfer. Et c’est l’enfer sexuel fait de la vie un enfer.
Mais je ne peux pas non plus ne pas me reprocher de ne m’être pas adapté à la société patriarcale. C’est qu’il s’agit d’un projet de très très longue date, peut-être dès l’âge de six ou huit ans, peut-être même avant, vers les trois ans où je situe ma première solitude, a « réalisé un destin ». Et comme projet *abouti* de vie, que ne devrais-je « castrer » comme le dit Dolto, pour une adaptation convenable ? Comment penser qu’il y a une inadaptation à la vie que de lui demander la satisfaction aphrodisiaque qu’elle a créé à l’effet de la satisfaction de vivre ? Ça ne sert à rien de vivre *sans correspondance* au monde humain ou avec le monde humain, et oui, sinon on va à la mort, car chez cet humain, animal grégaire par excellence, la mort sociale est la mort physique. Il est donc inévitable que je doive prendre mon état de solitude, au surplus, comme une maladie personnelle... à laquelle je ne sais quelle cure adopter puisque pour qu’elle se dissolve dans le temps, il est besoin d’une rencontre amoureuse. J’ai bien évidemment mes travers. Héraclite disait : Qu’importe pour d’avoir un seul ami si c’est le meilleur.
Le refus obstiné du plaisir aphrodisiaque se situe exactement dans l’asthénie des organes qui lui sont destinés – destinés au plaisir, s’ils étaient excitables, ils seraient excités. Cette asthénie peut, certes, provenir de l’éducation appuyée sur la morale patriarcale de sorte qu’elle reste encore dans l’anomie... ou l’anonymat. Mais c’est véritablement un manque de courage que de pas se destiner à redonner la vie à la vie vivante, pulsatile, puissante... sans pour autant blâmer ce manque de courage, car rejoindre ces sensations, revient à se séparer du présent troupeau et de ses convenances, de ses règles, de son pouvoir organique : le troupeau est indispensable à l’humain. Il possède une large panoplie de dénégations, de punitions, de malversations, d’acrimonies, d’insultes pour qui s’écarte du troupeau. Le troupeau, c’est LA société. Pourtant, si l’humain est un animal ô combien grégaire, il doit exister les *outils* qui permettent la vie *intégrée* à cette grégarité : l’amour, la sexuation, l’amitié, la collaboration, la participation, l’empathie, la coparticipation, l’entraide, la sympathie, la bienveillance, et j’en passe. Qu’en est-il ? Que sont devenues toutes ces aptitudes *innées* rabotées par la mesquinerie du patriarcat, où se sont évanouis tous ces rêves d’harmonie ? Pour cet « actuel » animal grégaire, le troupeau n’existe pas, puisqu’il veut ignorer l’implication d’une telle découverte et baliser de la malveillance qu’il assène, jour et nuit, les attributions rendues chétives et chérubinesques de son genre, pour les contenir dans leur immaturité. Cela souligne l’ignominie dans laquelle il végète avec sa compétition, son « espoir de gain », sa *plus-value*, ses chefs, sbires et larbins, ses meurtres « d’amour », son insalubrité, sa pollution, sa misère affective, sociale, sexuelle, son inconscience, son irresponsabilité. Le troupeau actuel est comblé d’individualistes insatisfaits qui se retrouvent dans le narcissisme de l’objet, minéralisation de leur « personnalité ». Ce n’est plus autrui, c’est l’objet, quitte à prendre autrui pour un objet caillouteux. Cela lui permet, à elle comme à lui, de ne pas se regarder, de ne pas *toucher* à les réveiller, les organes aphrodisiaques.
Tu vois que je suis le découvreur de deux thèmes centraux relatifs à notre genre. Quand Freud a découvert *l’inconscient* et l’a clarifié, Wilhelm Reich *la cuirasse caractérielle* et l’a décrite (il a aussi découvert l’énergie de la vie), j’ai découvert que l’humain est un animal grégaire et ai explicité cet aspect crucial de notre genre, ainsi que ces organes qu’il appelle « génitaux » sont des organes *aphrodisiaques* et j’ai démontré cette supercherie du patriarcat. Cela n’intéresse personne. Et pour cause !
Cependant, l’absence d’excitation du caractère grégaire de l’être humain – la solitude, ou plutôt l’absence de complicité du partage et du partage d’une complicité – amène soit à la résignation, soit à l’auto-mutilation, soit à la tristesse. Chez moi, c’est une immense tristesse, car je ne sais pas me résigner et crains la douleur du corps. Cette tristesse me bouffe tout et je suis seul à l’assumer.
Porte-toi bien et que le Céleste Couple Divin qui donne ses couleurs chaudes au soir et fait frémir la perle de rosée sur le brin d’herbe – assiette du monde vivant – au petit matin alors que disparaît sous la clarté solaire la pâleur de la lune, te couvre les épaules de sa bienheureuse et bienveillante bénédiction !
Toute mon activité sociale (mon « travail ») a tourné autour de la question de la satisfaction sexuelle, c’est-à-dire aujourd’hui, à l’insatisfaction sexuelle. La satisfaction est un phénomène *social*, où y aboutit l’affectivité particulière. Ce monde est tel qu’il se présente à nos yeux (avec ses pollutions diverses et variées, sa misère affective, sexuelle et intellectuel, et ses pauvres) car il fuit comme la peste la satisfaction sexuelle. Il ne peut faire autrement ! Il en ignore la matière, la manière et craint à l’extrême d’y aborder, car alors il et elle subiraient une telle déstructuration caractérielle qu’il et elle en mourraient. Dans la société patriarcale, les femmes craignent leur désir, car il est *social*.
L’orgasme selon Wilhelm Reich est impossible dans notre société patriarcale, dans cette société capitaliste qui cache derrière son petit doigt le patriarcat *en mouvement*. Rien que d’affirmer cela m’extrait de toute socialité possible ! Quand les gens partagent un orgasme, il s’agit d’environ 4 % de la population, à peine, ils le dissimulent, alors qu’il s’agit là de socialité. Chez les peuples qui ne craignent pas l’orgasme (généralement les société à filiation matrilinéaire dont il reste si peu, « détruite par l’agressivité du patriarcat » – Michel Odent), on parle, on discute, on évalue, on pèse l’amour incarné. On ne sépare pas le « corps » en « esprit » et « chair », car le plaisir est incarné et source d’une grande satisfaction à vivre, où l’esprit est le support des mots. Ici, aujourd’hui, on évoque de loin ce qu’on n’atteint pas avec un demi-sourire et une demi-grimace. On a peur !
Mais, comme dit Karl Marx, une activité n’est sociale que lorsqu’elle elle est *partagée* (lui, il dit « échangée », mais c’est une autre époque). Or, je suis seul : personne ne veut partager ce sujet avec moi, personne. Même le milieu « reichien » ne comprend pas ma ténacité à vouloir dissoudre ce satané (je pose le mot) patriarcat, source de tant de malheur, d’insatisfaction, de bêtise, de maltraitance, de pollutions... ne serait-ce que par une théorie !
Du dernier texte « Aphrodisie » que j’ai écrit (il y en a eu un autre depuis : « Du rôle du travail dans la transformation de l’humain en homoncule »), personne n’a saisi l’aspect révolutionnaire, je veux dire *déculpabilisant* vis-à-vis de nos propres sensations de plaisir, inhibées par la morale du patriarcat. Ou bien si cela a été véritablement perçu, persiste une telle honte à évoquer le sujet, qu’on n’y investira aucun « partage », ni de suite. Alors que mon but est de précisément fondre cette honte. Guy Debord affirme : On se bat pour une cause perdue d’avance. Aujourd’hui, il y a un grand refus de l’usage de la sexuation, c’est-à-dire, de la rencontre, du phénomène social de la rencontre par celle du mélange des sexes : « J’ai envie de me confondre en toi » ou bien « Je veux me pénétrer de toi » (qui est l’absolu de l’inter-sexe), n’ont plus de formulation possible.
On nage dans le patriarcat et sortir la tête de l’eau donne la sensation de mourir. Chacun a sa petite marotte contre lui : qui la bouffe ingrate qu’il vous donne à manger ; qui l’air pourri qu’il donne à respirer à nos enfants ; qui l’exploitation de « l’homme par l’homme » ; qui la maladie du profit, etc. mais personne ne veut se pencher sur l’origine de cette faiblesse : *la peur de l’orgasme qui vous demande impérativement la présence d’un chef pour vous rassurer de ne l’atteindre pas*. On critiquera même le chef, mais on sera encore plus vicieux que lui pour soudoyer votre bonne santé quand vous critiquez la nature de son amour.
C’est un cercle vicieux : comme vous avez peur du plaisir sexué naturel, vous avez besoin d’un chef pour vous en protéger ; et tant que vous aurez envie d’être sous la protection d’un chef, vous ne serez jamais suffisamment *mature* pour atteindre ce dont vous languissez en le regardant de loin. Tout cela je l’ai décortiqué, et ça n’intéresse personne. CQFD !
Et oui, mais... je suis seul, complètement désocialisé. Et point de retour en arrière possible, à moins de drogues dures (médicaments) ou de lobotomie. Mais je ne suis pas seul dans cette situation : d’après les statistiques nationales, nous sommes près de six millions dans cet état, certes pas pour les mêmes raisons que les miennes, mais...
Puisque chacun y trouve avec l’incarnation du plaisir son chemin, il n’y a *aucun* ostracisme dans une société à filiation matrilinéaire. Les seuls suicides relèvent de l’amour entre frère et sœur et ils se meurent tous les deux, ensemble, main dans la main. Immense altération de la haute capacité grégaire de l’être humain, l’ostracisme relève donc de la société patriarcale. Pour le patriarcat, la sexualité est le mal, alors qu’elle est le facteur essentiellement positif à la vie en troupeau ! Non pas du lupanar, mais de la capacité à se donner à autrui en toute liberté incarnée, partagée et complice.
Tout cela du fait que je me demande pourquoi tu recules sans cesse un éventuel rendez-vous. Aurais-je des questions à te poser en tant que femme ? Avec le temps, j’atteints souvent des réponses à mes questions et le temps encore confirme ou infirme la validité de mes réponses. Il y a que ces questions sont autant de facteurs de socialité ! Mes réponses, en fait, arriveront, mais quid quand je reste seul ? J’en fait des cauchemars de la solitude. La différence est que les réponses discutées utilisent des mots communs, tandis que mes réponses n’ont que l’imperfection de mes mots.
Encore qu’il y a l’abrupte réalité : si mon « travail » n’intéresse personne, c’est parce qu’il ne peut être accueilli de ceux que cela devrait intéresser, et de ceux qui n’en ont pas besoin, ma formulation est boiteuse... il doit contenir quelque vice caché avec lequel ils ne veulent rien avoir affaire. Seul !
C’est terrifiant la solitude. À tel point qu’on affirmera que je ne cherche son antidote, la complicité, qu’à cause de ma solitude... pour me faire atteindre le même résultat : seul. On ira à dire que je colle les filles par compensation de cette solitude. Ce monde est à pleurer. La solitude est une *maladie sociale*, ce n’est pas une maladie personnelle. La solitude dénonce l’incapacité de la société à se mouvoir dans ses mouvances, à accepter l’altérité qui ne se manifeste que parce qu’elle ne permet pas de s’épanouir en son sein et parce qu’elle ne donne pas de satisfaction sinon que déplorable, mesquine et délictueuse.
La solitude c’est terrifiant. On sait que l’intensité du trauma est en grande partie relatif à la longueur du *moment de solitude* qui suit ce traumatisme. Imaginons une solitude qui dure des jours et des jours, des mois, seul, sans altérité, sans la complicité du partage ou le partage d’une complicité !
Mais quoi ? J’ai une aura qui pose bien des problèmes : elle attire et révulse à la fois. Certains regards me font dire que je pue le mâle, mais pas celui gentil, avenant, mais celui qui perce. Des personnes hésitent même à me toucher, tant la charge que je contiens leur est peu tolérable. Je leur fais pensé à la sexualité brutale qui n’existe que dans leur tête, puisque pour pratiquer une telle sexualité il faut être psychotique. Suis-je ou ne suis-je pas psychotique ? Non, ce sont les temps qui veulent cela. Je me suis orienté vers la satisfaction, je l’aborde, j’en déborde, et les gens y voient leur noyade. J’ai vu deux fois des jeunes filles faire un écart sur le trottoir, alors que je les croisais ! Quelle souffrance ne doivent-elles pas vivre pour se comporter ainsi...
C’est que les gens ne peuvent pas ou plus avoir (et n’ont-ils jamais pu, à moins d’une étourderie ou d’une confiance immodérée de ma part) sur cette manifestation de la vie, un *pouvoir* qui les en protège, c’est-à-dire qui les protègent de ce qu’ils évitent, cette satisfaction, car ils ne sont plus à même, rigidifiés par la morale du patriarcat, d’y accéder et cherchent alors à prendre sur moi ce pouvoir qui va les rassurer. Oui, on peut penser que c’est une affabulation de ma part, mais c’est aussi le résultat de ma vie. Et on use pour prendre le pouvoir sur cette vitalité, des pires insanités. Les prises de pouvoir sur la vie saine ou qui le parait, sont intraitables, iniques et violentes, et tout cela pour l’a détruire ou en amoindrir la force. Le « sujet » de la sexualité est aussi brûlant que l’enfer. Et c’est l’enfer sexuel fait de la vie un enfer.
Mais je ne peux pas non plus ne pas me reprocher de ne m’être pas adapté à la société patriarcale. C’est qu’il s’agit d’un projet de très très longue date, peut-être dès l’âge de six ou huit ans, peut-être même avant, vers les trois ans où je situe ma première solitude, a « réalisé un destin ». Et comme projet *abouti* de vie, que ne devrais-je « castrer » comme le dit Dolto, pour une adaptation convenable ? Comment penser qu’il y a une inadaptation à la vie que de lui demander la satisfaction aphrodisiaque qu’elle a créé à l’effet de la satisfaction de vivre ? Ça ne sert à rien de vivre *sans correspondance* au monde humain ou avec le monde humain, et oui, sinon on va à la mort, car chez cet humain, animal grégaire par excellence, la mort sociale est la mort physique. Il est donc inévitable que je doive prendre mon état de solitude, au surplus, comme une maladie personnelle... à laquelle je ne sais quelle cure adopter puisque pour qu’elle se dissolve dans le temps, il est besoin d’une rencontre amoureuse. J’ai bien évidemment mes travers. Héraclite disait : Qu’importe pour d’avoir un seul ami si c’est le meilleur.
Le refus obstiné du plaisir aphrodisiaque se situe exactement dans l’asthénie des organes qui lui sont destinés – destinés au plaisir, s’ils étaient excitables, ils seraient excités. Cette asthénie peut, certes, provenir de l’éducation appuyée sur la morale patriarcale de sorte qu’elle reste encore dans l’anomie... ou l’anonymat. Mais c’est véritablement un manque de courage que de pas se destiner à redonner la vie à la vie vivante, pulsatile, puissante... sans pour autant blâmer ce manque de courage, car rejoindre ces sensations, revient à se séparer du présent troupeau et de ses convenances, de ses règles, de son pouvoir organique : le troupeau est indispensable à l’humain. Il possède une large panoplie de dénégations, de punitions, de malversations, d’acrimonies, d’insultes pour qui s’écarte du troupeau. Le troupeau, c’est LA société. Pourtant, si l’humain est un animal ô combien grégaire, il doit exister les *outils* qui permettent la vie *intégrée* à cette grégarité : l’amour, la sexuation, l’amitié, la collaboration, la participation, l’empathie, la coparticipation, l’entraide, la sympathie, la bienveillance, et j’en passe. Qu’en est-il ? Que sont devenues toutes ces aptitudes *innées* rabotées par la mesquinerie du patriarcat, où se sont évanouis tous ces rêves d’harmonie ? Pour cet « actuel » animal grégaire, le troupeau n’existe pas, puisqu’il veut ignorer l’implication d’une telle découverte et baliser de la malveillance qu’il assène, jour et nuit, les attributions rendues chétives et chérubinesques de son genre, pour les contenir dans leur immaturité. Cela souligne l’ignominie dans laquelle il végète avec sa compétition, son « espoir de gain », sa *plus-value*, ses chefs, sbires et larbins, ses meurtres « d’amour », son insalubrité, sa pollution, sa misère affective, sociale, sexuelle, son inconscience, son irresponsabilité. Le troupeau actuel est comblé d’individualistes insatisfaits qui se retrouvent dans le narcissisme de l’objet, minéralisation de leur « personnalité ». Ce n’est plus autrui, c’est l’objet, quitte à prendre autrui pour un objet caillouteux. Cela lui permet, à elle comme à lui, de ne pas se regarder, de ne pas *toucher* à les réveiller, les organes aphrodisiaques.
Tu vois que je suis le découvreur de deux thèmes centraux relatifs à notre genre. Quand Freud a découvert *l’inconscient* et l’a clarifié, Wilhelm Reich *la cuirasse caractérielle* et l’a décrite (il a aussi découvert l’énergie de la vie), j’ai découvert que l’humain est un animal grégaire et ai explicité cet aspect crucial de notre genre, ainsi que ces organes qu’il appelle « génitaux » sont des organes *aphrodisiaques* et j’ai démontré cette supercherie du patriarcat. Cela n’intéresse personne. Et pour cause !
Cependant, l’absence d’excitation du caractère grégaire de l’être humain – la solitude, ou plutôt l’absence de complicité du partage et du partage d’une complicité – amène soit à la résignation, soit à l’auto-mutilation, soit à la tristesse. Chez moi, c’est une immense tristesse, car je ne sais pas me résigner et crains la douleur du corps. Cette tristesse me bouffe tout et je suis seul à l’assumer.
Porte-toi bien et que le Céleste Couple Divin qui donne ses couleurs chaudes au soir et fait frémir la perle de rosée sur le brin d’herbe – assiette du monde vivant – au petit matin alors que disparaît sous la clarté solaire la pâleur de la lune, te couvre les épaules de sa bienheureuse et bienveillante bénédiction !
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